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12 Temmuz 2019 - 14:27
La Turquie reçoit des missiles russes au risque de représailles américaines
(PAPIER GENERAL-ACTUALISATION)
Par Fulya OZERKAN et Ezzedine SAID
=(Video+Photo)=
ATTENTION - Ajoute réaction de l'Otan, deuxième analyste ///
Istanbul, 12 juil 2019 (AFP) - La Turquie a pris livraison vendredi d'une
première cargaison de missiles russes S-400, faisant fi des avertissements de
Washington et prenant le risque de s'exposer à des sanctions américaines alors
que son économie bat déjà de l'aile.
La livraison de ce système de défense antiaérienne sophistiqué marque un
pic dans le réchauffement des relations entre la Russie et la Turquie, qui a
pris ses distances avec le camp occidental depuis un coup d'Etat manqué en
juillet 2016 contre le président Recep Tayyip Erdogan.
Ankara et Moscou avaient pourtant été au bord de la rupture en novembre
2015 lorsque des chasseurs turcs avaient abattu un bombardier russe au-dessus
de la frontière syro-turque, avant de normaliser graduellement leur relations
pour coopérer notamment sur le dossier syrien.
"La livraison de la première cargaison d'équipements du système de défense
antiaérienne S-400 a commencé le 12 juillet à la base aérienne Murted à
Ankara", a indiqué le ministère turc de la Défense dans un communiqué.
Appelée Akinci avant d'être rebaptisée Murted, la base en question est
considérée comme le QG des officiers putschistes qui avaient tenté de
renverser M. Erdogan. Le 3ème anniversaire de ce putsch manqué sera célébré
lundi.
- Avertissements américains -
A Moscou, une porte-parole du Service fédéral pour la coopération militaire
et technique, Maria Vorobieva, a confirmé à l'agence Interfax que "les
systèmes S-400 ont commencé à être livrés à la Turquie".
Selon une source citée par l'agence publique TASS, un autre avion avec
d'autres éléments des S-400 doit décoller "prochainement" et une troisième
livraison de plus de 120 missiles de différents types sera envoyée "à la fin
de l'été" par voie maritime.
Par ailleurs, une autre source a indiqué à TASS qu'une vingtaine de
militaires turcs avaient été formés en mai-juin en Russie à l'utilisation des
S-400, et 80 autres doivent l'être en juillet-août.
La Turquie avait rejeté mercredi une énième mise en garde américaine
concernant l'achat de ces missiles russes, appelant Washington à ne pas
prendre de mesures susceptibles de "nuire aux relations" bilatérales.
Les Etats-Unis estiment en effet que les systèmes russes ne sont pas
compatibles avec les dispositifs de l'Otan, dont Ankara est membre.
Un haut responsable de l'Otan, parlant sous couvert d'anonymat, a affirmé
que l'organisation était "préoccupée" par la livraison des missiles russes à
la Turquie. "L'interopérabilité de nos forces armées est essentielle dans la
conduite de nos opérations et nos missions", a-t-il expliqué.
Washington juge qu'il existe un risque que les opérateurs russes qui
formeront les militaires turcs aux S-400 puissent dans le même temps percer
les secrets technologiques du nouvel avion furtif américain F-35, dont la
Turquie veut aussi se doter.
Le Pentagone avait officiellement lancé début juin un ultimatum à Ankara,
lui donnant jusqu'au 31 juillet pour renoncer aux missiles russes, sous peine
d'être totalement exclu du programme F-35 auquel il participe.
- "Puissance eurasienne" -
Mais M. Erdogan avait affirmé fin juin après avoir rencontré son homologue
américain Donald Trump au Japon qu'il ne craignait pas d'exposer son pays à
des sanctions en achetant les missiles S-400.
Selon Nick Heras, du Center for a New American Security, le système S-400
"change les règles du jeu en ce qui concerne la stratégie de défense
antiaérienne de la Turquie".
"D'une perspective de sécurité nationale, la Turquie a besoin d'un système
de défense antiaérienne efficace et d'une excellent portée pour couvrir toute
l'Anatolie, et les S-400 répondent parfaitement à ce besoin", a-t-il dit à
l'AFP.
"Ce n'est pas un secret qu'Erdogan veut faire de la Turquie une puissance
eurasienne, ce qui suppose trouver un équilibre entre les relations avec la
Russie et la Chine d'un côté et les Etats-Unis de l'autre", a-t-il estimé. "Il
n'est pas sûr que la Turquie restera pour toujours dans le camp américain".
Pour Nicholas Danforth, du German Marshall Fund, l'achat de ces missiles
traduit une volonté d'Ankara d'adopter "une politique étrangère indépendante
et de remettre à plat les termes de sa relation avec les Etats-Unis".
"Les dirigeants turcs pensent, vu l'importance de la Turquie, qu'ils
pourraient, en agissant d'une manière aussi résolue, contraindre Washington à
être plus conciliant envers les intérêts turcs", a-t-il ajouté.
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