police armée politique délinquance AfSud crime,PREV
14 Ağustos 2019 - 17:35
L'armée sud-africaine en action contre les gangs du Cap (REPORTAGE)
Par Amy GIBBINGS
=(Photo+Video)=
ATTENTION - Photos par Marco Longari. Vidéo par Saawmiet Moos ///
Le Cap, 14 août 2019 (AFP) - Dans la banlieue sud-africaine de Cape Flats
rongée par les gangs, des groupes d'enfants rient et agitent la main en
courant derrière un blindé militaire suivi de véhicules de police qui se
faufilent dans les rues pour une opération conjointe destinée à réduire la
forte criminalité.
A quelques rues de là, les militaires, armés de fusils et de boucliers,
sautent à bas de leurs véhicules et avancent parmi du linge séchant sur des
cordes, avant de se diriger vers un ensemble d'immeubles suspecté d'être une
zone criminelle sensible.
Depuis juillet, le gouvernement sud-africain a déployé quelque 1.300
militaires en renfort de la police pour tenter d'endiguer la violence mortelle
des gangs dans la banlieue.
Situé dans le sud-est de la touristique ville du Cap, le quartier de Cape
Flats est constitué de plusieurs townships où les noirs et métis se sont
retrouvées relégués sous le régime de l'apartheid.
Gangrené par les gangs, mal surveillé par des policiers en sous-effectif,
Cape Flats est devenu l'un des endroits les plus dangereux du pays.
Mais un mois après leur déploiement, les troupes semblent avoir apporté un
soulagement très relatif à une communauté pauvre, lasse de la forte
délinquance.
"Les gens étaient tellement contents quand ils ont entendu que l'armée
venait prêter main forte dans un contexte si désespéré, que la moindre petite
amélioration les aurait soulagés", estime Kader Jacobs, qui anime une
association communautaire dans le township de Manenberg.
Les habitants s'attendaient à des bouclages de grande ampleur visant en
particulier les zones sensibles réputées les plus dangereuses, mais "rien de
tout cela n'est arrivé", assure Kader Jacobs, pour qui la recherche de drogues
et d'armes "ne se déroule pas avec l'ampleur que nous espérions".
"Les gens ne voient aucun changement significatif dans le quartier".
- 47 meurtres en un week-end -
Les statistiques de la police indiquent une hausse annuelle de 6.3% des
meurtres dans la province occidentale du Cap, avec presque 4.000 homicides
commis d'avril 2018 à 2019.
Un rapport sur la sécurité urbaine publié cette année par le Réseau des
villes sud-africaines montre que Le Cap a le taux d'homicides le plus élevé du
pays, avec 69 personnes tuées pour 100.000 habitants, soit le double de la
moyenne nationale.
"Ils envoient l'armée, mais l'armée ne peut rien faire", déplore Sally-Anne
Jacobs, 50 ans, qui a perdu son fils et son cousin de 19 ans dans les
affrontements entre gangs.
"Je ne sais pas comment ils peuvent réduire les tueries qui ont lieu à Cape
Flats".
Cédant à la pression du gouvernement local et d'organisations de la société
civile après 43 meurtres commis en week-end en juillet, le président Cyril
Ramaphosa a donné son feu vert à un déploiement militaire temporaire de trois
mois.
L'armée travaille grâce à des informations venant des communautés locales
pour sécuriser des zones dans Cape Flats et permettre à la police d'effectuer
des descentes et des arrestations, parfois sous les applaudissements des
habitants.
Mais le nombre de tueries n'a pas beaucoup diminué. Malgré la présence de
l'armée, 47 morts ont été recensées pendant le deuxième weekend d'août.
Le ministre de la Police Bheki Cele a cependant souligné que bien
qu'"envoyer des militaires dans les quartiers ne soit pas l'idéal", plus de
1.000 arrestations ont été effectuées pour des tentatives de meurtre, des vols
et enlèvements. La police a aussi saisi 45 armes à feu et 1.036 cartouches.
Malgré ces arrestations massives, les habitants vivent toujours dans la
peur.
"La moitié des détectives de la province ont plus de 200 cas à traiter,
alors que le nombre de dossiers idéal est entre 50 et 60", a reconnu le
ministre de la province Alan Winde.
- "Impact minime" -
La militante de l'association caritative Manenberg Safety Forum, Roegchanda
Pascoe, n'est pas convaincue non plus.
"De ce que j'ai pu constater, l'armée n'a pas fait grand-chose. Nous avons
mesuré un impact minime, voire nul", a-t-elle déclaré.
Selon Mme Pascoe, les démonstrations de force des militaires ne suffisent
pas à enrayer la criminalité.
"Le tissu social de notre communauté est complètement déchiré. Nous avons
des familles brisées par le chômage, les grossesses précoces, la toxicomanie
et l'alcoolisme".
Mais le ministre de la Police a assuré que l'opération "ne faisait que
commencer", avertissant les criminels que "leurs jours étaient comptés".
Le coût des opérations s'élève à 1.4 million de dollars (1.25 million
d'euros) pour les finances publiques. "Cela vaudra la peine si cela mène à une
interruption durable de la violence", a estimé Andrew Faull, chercheur
rattaché au groupe de réflexion sur la sécurité ISS, installé à Pretoria.
Selon lui, ce déploiement militaire relève surtout d'un "spectacle
politique".
str/mgu/sn/jbn/jpc
ISS A/S